10 - Mère Thérèse et l’unanimiter

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Omnes erant perseverantes unanimiter in oratione (Ac 1, 14)

Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière (Ac 1, 14, trad. AELF)

La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme. (Ac 4, 32a ; trad. AELF)

 

Notre Congrégation tire une grande partie de son charisme de la fin de l’évangile de Luc et des premiers chapitres des Actes des Apôtres, dans lesquels on voit les apôtres avec Marie et quelques femmes réunis au Cénacle, dans une union de cœur et d’esprit. Mère Thérèse parle de diverses manières de ce qui fait l’unanimiter au Cénacle, de comment il se décline dans les relations entre religieuses, du goût pour la vie communautaire, des liens au sein de la Congrégation quels que soit les distances et de ce qui les fondent.

 

La vie communautaire

Vous aimez beaucoup la vie de communauté, me dites-vous, et vous m’estimez heureuse d’y être ; vous avez raison, car je le suis bien véritablement, et depuis 50 ans que j’ai quitté la maison paternelle je n’ai jamais eu un moment de regret, au contraire, j’en ai toujours remercié le bon Dieu comme de la plus grande grâce qu’il m’ait faite[1].

Vous ne devez pas être en peine pour nos malades, Notre Mère est d’une sollicitude et d’une attention pour tout ce qui peut les soulager ou leur faire plaisir qui ne laisse rien à désirer ; rien n’est négligé et je ne crois pas qu’aucune d’elles eût pu être mieux soignée chez elle. Il faut être en communauté pour avoir tant de monde à sa disposition et être servie avec cette charité et cette affection que la religion inspire[2].

Votre bonne et bien chère lettre m’a été remise le jour de Ste-Thérèse après la Sainte Messe et une action de grâce pendant laquelle j’avais bien pensé à vous, ma très Révérende Mère, ainsi qu’à toutes mes Sœurs de la Retraite, celles que je connais comme celles que je ne connais pas, car je les aime toutes bien tendrement et je ne désire pas moins leur perfection que la mienne : aussi ai-je demandé à Dieu, pour toutes et pour chacune de ces chères Sœurs, tout ce que j’ai demandé pour moi. Merci de leur bon souvenir auprès de Notre-Seigneur. Merci surtout du vôtre, ma bien chère et digne Mère ; j’en étais assurée d’avance, mais non d’une lettre ; vous savez bien que j’aime à vivre en communauté, et j’avais le droit d’espérer que vous me traiteriez comme toutes vos autres enfants de la Retraite, faites-le désormais, je vous en supplie, ma très Révérende Mère, et ne soyez pas bonne pour moi au-delà de ce qui doit être[3].

 

L’esprit de famille et l’affection religieuse

Il y a longtemps que je ne vous ai pas écrit ; cela n’empêche pas que je vienne souvent dans cette chère maison de Paris et que je me trouve chaque jour auprès de mes Mères malgré la distance qui semble nous séparer ; il n’y a pas de distance pour le cœur qui sera toujours là où est son trésor, c’est le bon Maître qui l’a dit et tout ce qu’il a dit est vérité. Et on le sent bien vivement ; cette affection religieuse qu’il a lui-même cimentée ne peut être altérée ni par le temps ni par les lieux et, quoiqu’il arrive, elle subsistera toujours parce qu’elle a sa source dans son Cœur Sacré et que c’est là aussi qu’elle doit être consommée à jamais. C’est une des plus douces pensées de l’espérance chrétienne et religieuse[4].

Puisse, ma digne Mère, la famille religieuse que vous vous êtes choisie et où vous êtes aimée et chérie comme une Mère, vous tenir lieu de celle que vous aviez quittée pour obéir à la voix de notre bon Maître qui vous voulait toute à Lui[5].

Mon cœur […] connaît toutes celles qui font partie de notre chère Congrégation : que je les ai vues ou non, elles y ont leur place, ainsi qu’une large part à mon affection et à mon estime. On sent bien que l’on est uni comme les membres de la même famille et c’est une des grandes douceurs de la vie religieuse[6].

Permettez que toutes et chacune trouvent ici un mot de religieuse affection, je ne les connais pas toutes mais je sais que je les aime toutes[7].

Quelle agréable surprise de recevoir une lettre de ma chère Sœur de Roubin. C’est la première fois que je la lis, et la première fois aussi que j’ai le plaisir de lui écrire, mais cela n’empêche pas les sentiments, et l’affection religieuse sait bien franchir les distances ; la mienne vous a bien accompagnée, chère Sœur, dans le lieu de votre résidence où ma pensée est venue vous trouver bien souvent quoique je ne vous l’ai pas dit. L’on sent bien que l’on est unies de loin comme de près, et c’est bien une des consolations de la vie religieuse que ce lien de famille que rien ne peut briser[8].

A la Retraite [la Congrégation] on n’a pas besoin de s’écrire pour se dire que l’on est unies de loin comme de près ; nous avons beau être les unes au nord, les autres au midi, il n’y a pas de distance pour les cœurs, aussi le vôtre fait quelquefois le voyage de Lyon et le mien celui de Tours pour y voir chacune de nos Mères et Sœurs, que je sais y rencontrer ; je pense à elles et à vous surtout auprès de Notre-Seigneur, et j’espère que nous me le rendez un peu ; il faut bien nous aider au moins par la prière, si nous ne le pouvons autrement, à profiter du temps qui nous reste, et à devenir bien vite des Saintes ; il est bien doux de mourir quand on a vécu en bonne religieuse[9].

Vous avez eu ce matin une petite consolation, ma très Révérende Mère, en voyant votre troupeau s’accroître malgré les épreuves du moment, nous nous en sommes réjouies et avons bien prié pour toutes ces chères Sœurs qui ont eu le bonheur de prendre ostensiblement les livrées du bon Maître. Veuillez le leur dire en les assurant de notre religieuse affection ainsi que toutes celles qui ont le bonheur d’être auprès de vous, sans en excepter le cher noviciat quoique je n’y connaisse presque personne, on les connaît toutes par le cœur dès qu’elles font partie de la Société[10].

Il faut que l’on s’écrive sans doute d’une maison à l’autre, que l’on donne des nouvelles et c’est même nécessaire car c’est une des grandes consolations de la vie religieuse ; mais entretenir une correspondance avec chacune, on n’en finirait pas[11].

 

L’union des cœurs

Cette chère Congrégation dans laquelle je ne voudrais voir qu’un cœur et qu’une âme…[12]

On est bienheureuse de penser que l’on a de bonnes Mères et de bonnes Sœurs qui nous aident à obtenir de la Divine bonté les grâces dont on a tant besoin. Cette union de prières est une des consolations de la vie religieuse, car elle nous tient unies dans le même but, les mêmes sentiments et fait de tous les cœurs, un seul cœur, de toutes les volontés, une seule volonté[13].

Cette fusion des cœurs si nécessaire à la vie religieuse[14]

Cette union de prières et de sentiments sont une des grandes consolations de la vie religieuse[15]

Maintenant la joie, la paix, la charité règnent dans la petite communauté ; on est heureuse de se voir, de se réunir dans les récréations sans gêne, sans contrainte, dans la persuasion qu’il n’y a qu’un cœur, qu’un sentiment[16].

J’aurais été heureuse de partager jusqu’au dernier moment les angoisses de celles que j’y ai laissées. J’avais le cœur bien gros en les quittant ; il est vrai de dire que l’adversité resserre l’union des cœurs[17].


[1] À son neveu séminariste Léon Couderc, Fourvière, Lyon, 17 janvier 1874.

[2] À Notre Mère de Larochenégly à Paris, de Lyon, 20 octobre 1868.

[3] À Notre Mère Marie Aimée Lautier, de Lyon, 17 octobre 1878.

[4] À la R.M. Dambuent, de Montpellier, le 8 septembre 1866.

[5] À la R. M. Dambuent, 13 mars 1864.

[6] À la Mère [Lysie Adam] à Nancy, de Lyon, 7 juillet 1869.

[7] À la R.M. Dambuent [1862].

[8] À la Mère Cécile de Roubin à Tours, de Lyon, 11 novembre 1873.

[9] À la Sœur Marguerite Hérique à Tours, de Lyon, 27 novembre 1868.

[10] À Notre Mère de Larochenégly, 25 mars 1867.

[11] À la R.M. Dambuent [1862].

[12] À Notre Mère Marie Aimée Lautier, 29 septembre 1879.

[13] À Notre Mère Marie Aimé Lautier à Versailles, de Lyon, 21 octobre 1869.

[14] À la R.M. Dambuent, 30 août 1855.

[15] À la Révérende Mère Sophie Estienne, Supérieure à Tours, de Lyon, 14 novembre 1876.

[16] À la R. M. Ursule Payan, Assistante générale, à Paris, Montpellier, 18 novembre 1866.

[17] À Notre Mère de Larochenégly, 25 mars 1867.